Écrit par : Eagleclaw Bunnie Thom
Édité par : Raven Spiratos
Chef du projet de recherche : Jillian Collins

Une chose que la Commission de vérité et réconciliation m’a apprise, c’est qu’avant de régler un problème, il faut être capable d’identifier la vérité. Les vérités ont un pouvoir et la capacité de changer la société pour le mieux. La journée des chemises orange a pris son envol le 30 septembre 2013 pour honorer et commémorer tous les enfants Autochtones qui ont fréquenté les pensionnats ainsi que les enfants qui sont morts alors qu’ils fréquentaient ces écoles. La raison d’être des chemises orange remonte à 1973, lorsqu’un enfant, du nom de Phyllis Webstad, s’est rendu à son premier jour d’école au pensionnat de la mission St. Joseph, près de Williams Lake, en Colombie-Britannique.
La jeune Phyllis était comme plusieurs autres enfants lors de leur premier jour d’école. Elle avait hâte d’apprendre et de rencontrer de nouveaux amis. La grand-mère de Phyllis, malgré le fait qu’ils n’avaient souvent pas assez d’argent, réussi à lui acheter une nouvelle chemise orange « brillante et excitante » pour son premier jour d’école. C’est ce que j’ai ressenti en allant à l’école.
Le personnel du pensionnat de la mission St. Joseph a agressé la petite Phyllis, âgée de six ans. Ils l’ont dépouillé de ses vêtements, dont la chemise orange. Ils l’ont humiliée. Ils ont commis un niveau de violence à l’égard d’une enfant qui, aujourd’hui, les mèneraient en prison. Il y avait 272 élèves (en anglais seulement) à St. Joseph cette année-là.
Le pensionnat de la mission St. Joseph a été démantelé depuis, mais pas à temps pour mettre fin aux traumatismes qu’il a infligés aux communautés autochtones locales. Tout ce qui reste de l’école est le cimetière adjacent, que les Nations Autochtones locales ont maintenant adopté comme étant le leur.
La Mission St. Joseph était l’un des 130 pensionnats qui étaient en activité au Canada entre 1831 et 1996. Les pensionnats ont eu un impact permanent sur la vie, les croyances, la culture et l’économie des communautés autochtones.
Personnellement, mon père, mon beau-père, mon frère aîné et ma sœur cadette ont tous fréquenté des pensionnats. Lorsqu’elle a été interrogée par la Commission de vérité et réconciliation, ma sœur Amber Pelletier a dit ceci au sujet de son expérience au Marieval Community Education Centre, un pensionnat, dans les années 90 : « On pouvait dire quand un gardien était fâché parce qu’alors, il utilisait notre numéro pour nous appeler ou nous parler. Lorsqu’on attendait en file pour le déjeuner, le dîner ou le souper, si on était turbulents, un gardien disait : “numéro 20′, et on arrêtait tout ce qu’on était en train de faire. »
Le Marieval Community Education Centre a poursuivi les pratiques déshumanisantes consistant à attribuer un numéro aux « élèves » et à agresser les jeunes en leur coupant les cheveux sans leur consentement lors de leur arrivée à l’école dans les années 1990.
Le fondement de toutes ces questions découle de la stratégie qui consistait à « tuer l’Indien dans l’enfant » et ceci, est considéré comme une tentative de génocide culturel par le juge en chef McLachlin. Sir John A. MacDonald est célèbre pour avoir dit : « Lorsque l’école est dans une réserve, l’enfant vit avec ses parents, qui sont des sauvages, il est entouré de sauvages et bien qu’il puisse apprendre à lire et à écrire, ses habitudes et son développement et sa façon de penser sont indiens. Il est simplement un sauvage qui peut lire et écrire. » Bien que les pensionnats n’existent plus, la pratique consistant à retirer l’enfant de sa communauté et de son foyer se poursuit encore aujourd’hui.
« Pour bénéficier d’une éducation, nous devons quitter nos amis, nos familles et notre culture. »
Shannen Koostachin, Première nation d’Attawapiskat
La vérité, telle qu’elle se présente actuellement, est que plus d’enfants Autochtones sont enlevés à leur famille qu’à l’apogée du système des pensionnats.
Bien que les taux d’adoption d’enfants Autochtones au Canada ne soient pas disponibles, nous savons que 52,2 % des enfants placés en famille d’accueil au Canada sont autochtones. Cela équivaut à 14 970 enfants Autochtones arrachés de force à leur foyer. Dans les provinces des Prairies, la surreprésentation est aggravée. Le Manitoba, par exemple, a un taux de représentation autochtone de 90 % dans le système de placement en famille d’accueil, ce qui équivaut à 10 000 enfants Autochtones arrachés à leur famille, leur communauté, leur culture et plus encore.
« Nous sommes confrontés à une crise humanitaire dans ce pays où les enfants autochtones sont largement, disproportionnellement surreprésentés dans le système de protection de l’enfance. »
Ancienne ministre des Services aux Autochtones du Canada Jane Philpott (en anglais seulement)
La Dre Philpott a poursuivi en identifiant certain des causes fondamentales du nombre accablant de jeunes dans le système de placement en famille d’accueil, telle que les communautés appauvries, le manque de logements adéquats, l’alimentation et l’eau potable. Elle a ajouté que ces problèmes découlent de « mauvaises politiques gouvernementales ». Les politiques mentionnées sont équivalentes à des sanctions économiques contre les Nations Autochtones et découlent de l’idée d’éliminer l’« Indien » du paysage politique canadien.
« Notre objectif est de continuer jusqu’à ce qu’il n’y ait plus un seul Indien au Canada qui n’ait pas été absorbé dans le corps politique ».
Sous-ministre des Affaires indiennes Duncan Campbell Scott, 1920
La gouverneure générale du Canada, Julie Payette, s’est engagée à commencer à aborder les obstacles systémiques qui nuisent aux populations autochtones et aux communautés noires. Elle a promis d’apporter des changements pour permettre « l’autonomisation économique de certaines communautés », d’investir dans l’eau potable pour les Nations Autochtones, d’accélérer le travail en cours pour co-développé des modèles fondés sur la distinction pour les deux lois sur la santé des Autochtones et de créer une nouvelle stratégie de santé mentale et de mieux-être.
Pour reprendre les mots de cette même gouverneure générale, « tout cela est bien beau, mais il reste encore beaucoup à faire pour qu’il y ait un changement permanent et transformateur », ce qui me donne un étrange sentiment d’espoir. Le gouvernement fédéral n’a plus peur de la vérité de la situation. Reconnaître les torts causés est le premier pas vers la réconciliation. Le fait de pouvoir pointer le problème du doigt et de le mesurer permettra aux communautés Autochtones et aux colons de trouver collectivement une solution.
Les problèmes du système de placement en famille d’accueil sont trop importants pour une seule solution et doivent être envisagés de manière holistique et dans un cadre autochtone. Le gouvernement a pris les premiers pas pour résoudre ces problèmes avec la Loi concernant les enfants, les jeunes et les familles des Premières Nations, des Inuits et des Métis, entrée en vigueur le 1er janvier 2020.
Cette Loi vise à affirmer les droits des Premières nations, des Inuits et des Métis à exercer leur compétence en matière de services à l’enfance et à la famille. Cependant, sans une économie stable, une infrastructure adéquate et davantage d’investissements au sein de nos communautés, de nombreuses communautés continueront à manquer des ressources nécessaires pour mettre en œuvre leur propre cadre de travail afin de résoudre ces problèmes.
Collectivement, nous avons beaucoup de travail à accomplir, mais nous y sommes mieux placés pour y faire face ensemble.
Lire la suite :
- CBC – En s’opposant à une décision d’indemnisation, le gouvernement prive les enfants des Premières nations de justice – une fois de plus (en anglais seulement).
- The Guardian – La proportion d’enfants autochtones dans le système d’aide sociale canadien est une « crise humanitaire » (en anglais seulement).
- CTV News – Le « monstre » des pensionnats vit désormais dans le système de protection de l’enfance : Sinclair (en anglais seulement)
- Commission ontarienne des droits de la personne – Enfances interrompues : Surreprésentation des enfants Autochtones et noirs au sein du système de bien-être de l’enfance de l’Ontario
- Gouvernement du Canada – Réduire le nombre d’enfants Autochtones pris en charge
- Les pensionnats du Canada : Les séquelles – Le rapport final de la Commission de vérité et de réconciliation du Canada