Écrit par : Jillian Collins

Qu’est-ce que c’est ?
Le 7 octobre 2020, le plus haut tribunal du Canada a confirmé dans l’affaire R. c. Chouhan que la suppression des récusations péremptoires, qui permet à la fois à la Couronne et à l’avocat d’écarter un juré potentiel sans donner de raison, n’a pas porté atteinte aux droits individuels. La mise en œuvre du projet de loi C75, le 21 juin 2019, a supprimé l’utilisation des récusations péremptoires au Canada. Les changements législatifs ont été critiqués comme étant influencés par la pression publique suite à l’acquittement de Gerald Stanley, qui était accusé de meurtre au second degré pour la mort de Colton Boushie, un homme cri de la Première Nation Red Pheasant, en Saskatchewan. De nombreuses communautés autochtones pensent que les récusations péremptoires ont été utilisées par l’avocat de Stanley pour créer un jury entièrement blanc en bloquant les candidats potentiels au jury qui semblaient être autochtones. La suppression des récusations péremptoires au Canada soulève la question de savoir si la représentation des peuples autochtones et d’autres groupes marginalisés aura davantage de chances de faire partie de jurys.
Points saillants
- Dans l’affaire R. c. Stanley, Gerald Stanley a été accusé d’avoir tiré mortellement sur Colton Boushie, un jeune Cri de 22 ans de la Première Nation de Red Pheasant, en Saskatchewan, le 9 août 2016. Le procès a eu lieu du 30 janvier 2018 au 9 février 2018, à Battleford, en Saskatchewan. Au moment de la sélection du jury, l’article 634(1) du Code criminel a donné aux avocats de la Couronne et de la défense le droit de retirer un juré potentiel sans donner de raison (appelé récusation péremptoire). Environ 204 jurés ont participé à la sélection du jury et cinq personnes qui semblaient Autochtones ont été écartées par l’avocat de la défense. Selon les critiques, l’avocat de la défense a utilisé les récusations péremptoires pour écarter les personnes qui semblaient Autochtones, créant ainsi un jury entièrement blanc.
- Stanley a été déclaré non coupable de meurtre au second degré et d’homicide involontaire. L’acquittement de Gerald Stanley a suscité de nombreux débats dans la sphère publique sur le processus de sélection du jury et le manque de diversité au sein du jury.
- À la suite de l’acquittement de Gerald Stanley le 9 février 2019, le gouvernement a présenté le projet de loi C-75, éliminant les récusations péremptoires et donnant aux juges un plus grand pouvoir discrétionnaire pour rejeter un juré potentiel.
- Les détracteurs de l’utilisation des récusations péremptoires font valoir que l’abolition des récusations péremptoires créerait un jury moins représentatif de l’accusé. D’autre part, de nombreux groupes autochtones affirment que les récusations péremptoires sont utilisées pour bloquer les groupes autochtones afin de créer un jury entièrement blanc.
Nos premières réactions
L’abolition des récusations péremptoires sur la liste des jurés suscite un grand débat public sur la question de savoir s’il est possible d’obtenir des procès par jury équitables et impartiaux en l’absence de telles récusations ? Bien que le projet de loi C-75 visait à éliminer les préjugés potentiels des listes des jurés, la loi ne s’attaquent pas aux obstacles systémiques qui empêchent la représentation des autochtones en tant que jurés. En février 2013, l’honorable Frank Iacobucci a publié son rapport intitulé « La représentation des Premières Nations sur la liste des jurés en Ontario : Rapport de l’examen indépendant » (le rapport Lacobucci), qui visait à remédier à la sous-représentation des peuples autochtones dans les jurés en Ontario. Le rapport Lacobucci souligne que les jurés doivent être représentatifs de la communauté et préconise également, dans la recommandation 15, l’abolition des récusations péremptoires. Pour améliorer la représentation des autochtones parmi les jurés, le rapport recommande en outre de modifier la façon dont les listes de jurés sont établies. Les sources d’information utilisées pour trouver des noms pour les listes de jurés supposent souvent un niveau de vie qui ne reflète pas la réalité de la plupart des peuples autochtones. Les sources d’information telles que le ministère des Transports, les rôles d’évaluation des propriétés peuvent ne pas inclure les autochtones qui n’ont pas de permis de conduire, qui sont sans abri, qui déménagent fréquemment ou qui ne sont pas propriétaires. D’autres facteurs, comme les antécédents criminels, la langue, l’emploi et les problèmes de transport, sont également considérés dans le rapport comme des obstacles à l’éligibilité ou à la capacité des autochtones à faire partie d’un jury.
Le processus actuel de sélection des jurés ne garantit pas une représentation diversifiée des Autochtones et des autres groupes marginalisés au Canada. La suppression des récusations péremptoires ne fait pas grand-chose pour éliminer les obstacles systémiques qui empêchent une représentation équitable et accessible. Il s’agit d’une première étape pour garantir que les mécanismes racialisés ne puissent pas être utilisés dans les procès criminels ; elle n’offre que très peu de possibilités d’avancement sur les listes de jurés, ce qui entraîne la poursuite de la sous-représentation des populations autochtones.
Appels à l’action
Nous espérons que les recommandations du rapport Lacobucci concernant la représentation autochtone parmi les listes des jurés seront mises en œuvre dans toutes les provinces et tous les territoires du Canada. Ce rapport a identifié les mesures nécessaires pour combler les lacunes de notre processus de sélection des jurés et pour y remédier dans l’ensemble du système. Si les recommandations sont mises en œuvre, la qualité de vie et le bien-être général des populations autochtones s’en trouveront améliorés. Grâce à une représentation visible, les Autochtones auront la certitude que leur communauté est appréciée en tant que membre actif du système judiciaire.
Le rapport final Debwewin peut être consulté à l’adresse suivante : https://wayback.archive-it.org/16312/20210402142655/http://www.attorneygeneral.jus.gov.on.ca/french/about/pubs/debwewin/
Veuillez noter que le rapport final est également disponible sur demande en oji-cri, ojibway, inuktitut, mohawk et cri.
Les personnes qui ont des questions concernant la participation à des jurés en Ontario peuvent également contacter le Centre provincial des jurés à l’adresse juryduty@ontario.ca ou par téléphone au 1-800-498-8016.
Pour plus d’informations, ou pour nous faire part de vos réactions, contactez-nous à l’adresse centre@canadianroots.ca.
